Claire_Je vous écris de Benoît Labre

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« L’activité physique m’a permis de me reconnecter avec la vie. »

Rennes, le 30 septembre 2022

Nelly et Pauline,

Je n’ai jamais été aussi heureuse qu’ici. C’était improbable de dire une chose pareille après ce que j’ai vécu.

C’est devenu réalité, avec vous, Nelly et Pauline, responsables de la résidence Daniel Ravier. Avec vous, je suis dans de bonnes mains. Je vais parler avec vous tous les matins, à huit heures et quart, dans votre bureau. J’ai besoin d’être avec vous. Vous êtes vraiment dans le rôle d’accompagnement dont j’ai besoin.

Pauline, vous êtes vivante, chaleureuse, votre présence me rassure. Vous m’avez tirée d’affaire lors du décès brutal, cette année, à 49 ans, d’un ami très cher. Ça a été terrible. Et je m’en suis sortie aussi grâce aux activités que vous m’avez proposées, à Breizh Insertion Sports, une association qui s’adresse au public des maisons-relais et des CCAS. L’activité physique m’a permis de me reconnecter avec la vie.

Je suis arrivée ici en octobre 2015. Ça venait d’ouvrir. J’ai été très bien accueillie. J’ai mon appartement, j’ai l’APL, j’arrive à m’en sortir, et surtout je suis accompagnée. C’est ça qui fait toute la différence. Je partage beaucoup d’activités, les sorties, la marche, les ateliers cuisine, les repas en commun, le petit café du matin et de l’après-midi. Cette maison-relais de Benoît Labre, c’est vraiment bien, chaleureux, convivial.

A 56 ans, je suis heureuse, et ce n’était pas écrit d’avance. Je suis bipolaire. Une maladie que l’on ne diagnostiquait pas à l’époque. Que l’on ne soignait pas. La psychiatrie, c’était pour les fous. Et cette bipolarité, plus d’une fois, m’a brisé la vie.

Pendant mon adolescence parisienne, mes parents m’ont tout donné, trop donné. Ils ont tout fait à ma place. J’ai été habituée à ne rien faire. Je n’ai jamais été confrontée à la vie. Ils m’ont protégée à outrance. Ca m’angoissait. Et ça a continué quand je les ai suivis, lors de leur retraite, à Guipry, près de Redon. Papa était originaire de Bain-sur-Oust et maman de Saint-Pol-de-Léon.

Je me suis arrêtée au bac. Un bac D. J’aurais aimé être pharmacienne. Mais je ne pouvais pas continuer. J’étais trop angoissée. Incapable de prendre une décision. Par moments j’étais très bien, tout était clair, les idées venaient, ça fusait. Et par moments, j’étais très bas, vraiment déprimée. Personne ne me comprenait. Ni les profs, ni personne.

Après mon Bac, je me suis inscrite à l’IUT de Quimper. J’ai tenu trois jours. Je pleurais. J’avais une peur terrifiante du bizutage. Je suis partie avant. J’avais tout le temps peur. De tout. Même accompagnée. Même plus tard avec mon mari.

Mon mari, je l’ai connu dès en arrivant à Guipry, dans une boîte de nuit. J’avais vingt ans. On s’est marié deux ans plus tard. On a eu deux enfants qui, aujourd’hui sont bien installés dans la vie. On habitait sa ferme, près de Janzé. Je ne me sentais pas bien. J’avais du mal avec mes enfants.

On ne savait pas encore que j’étais bipolaire. J’ai effectué des séjours en psychiatrie. Mon mari ne comprenait pas. Il aurait voulu que je me mette en colère contre mes parents. Moi, je n’ai jamais eu aucun ressentiment à leur égard. En me couvant, ils croyaient bien faire. Année après année, je vivais mal cette pression psychologique. Ca a détérioré nos relations et ma santé.

A 32 ans, j’ai eu une maladie de Crohn, une inflammation intestinale très invalidante. C’était lié au stress, à l’angoisse. Je suis tombée en invalidité en 2004, avant de quitter mon mari, en 2008. Je n’étais plus la femme qu’il avait rencontrée. J’ai divorcé à cause de ça et de cette bipolarité. J’en ai souffert tout le temps. Jusqu’à ce qu’un psychiatre fasse le bon diagnostic et me donne un traitement adéquat. Mais c’était après mon divorce...

Les enfants – de grands ados – sont restés avec leur père, dans sa maison. Comme on avait fait des travaux, lors du divorce, j’ai récupéré ma quote-part, mais j’étais seule, je n’avais pas de logement à moi, ni de travail. J’ai loué à Fougères, où j’ai fréquenté un garçon.

Ça a été destructeur. Il se droguait. Je l’ai vu très vite, mais j’ai suivi. Je suis tombée dans la drogue, parce que ça m’enlevait mes angoisses. Je dépensais l’argent de mon divorce à acheter du shit. Jusqu’au jour où, au bout de trois ans, la maladie de Crohn est repartie de plus belle. Une crise comme un appel au secours.

Mon ex-mari, qui me téléphonait encore, a compris un jour que j’étais au plus mal. Avec mon père, ils sont venus me voir. Je ne tenais pas debout. J’ai été hospitalisée, à Pontchaillou. C’est mon père et mon ex-mari qui m’ont sauvée. Maintenant, c’est moi qui vais m’occuper de papa, tous les week-ends, à Guipry. On s’y retrouve souvent avec les enfants. Il a 94 ans.

Après Pontchaillou, il y a eu l’hôpital psychiatrique, pendant six mois. Puis un retour chez mes parents, à Guipry, en 2012. Je n’avais plus de logement, pas d’argent autre que ma pension d’invalidité. Puis un suivi au CCLT, le centre de continuité du lien thérapeutique, à la clinique de l’Espérance à Rennes, où je venais tous les jours.

Cet hôpital de jour m’a proposé d’aller en maison-relais, à Marie Heurtaut. A ce moment, j’étais bien, dans une phase euphorique, j’ai alors décidé de prendre un appartement, à Beauregard. Mais l’angoisse est revenue. J’étais incapable de faire quoi que ce soit. Retour à l’hôpital psy, qui m’a trouvé le bon dosage - antidépresseur et régulateur d’humeur – et l’assistante sociale, qui m’a offert une bouée en me dirigeant vers cette résidence Daniel Ravier.

La bipolarité est une sale maladie. Beaucoup de bipolaires s’ignorent ou ne se soignent pas. Ils attendent les moments d’euphorie, même si c’est pour mieux plonger ensuite dans la dépression.

La mienne s’est améliorée. Je suis devenue stable. Je ne souffre plus de la maladie de Crohn. Je suis bien. Vraiment heureuse. C’est même magique. Merci à toutes les personnes qui m’ont accompagnée. Spécialement Pauline et Nelly.

Claire.

 

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