Président de l'ASBL
Plaidoyer pour la dynamique associative … par la preuve !
Quelle place pour la vie associative dans notre société ? Il y a un décalage entre les déclarations et la réalité : pléthore de discours sur la place indispensable des associations dans le « vivre ensemble » et difficultés croissantes sur le terrain…
Climat général qui penche vers le repli individuel, contraintes financières, complexité des évolutions sociales… Les éléments du diagnostic sont bien connus. Un point mérite d’être souligné : la pratique des appels à projet. L’appel à projet introduit la concurrence entre les acteurs, il impose le court terme alors que l’accompagnement et l’insertion nécessitent la durée, il incite au morcellement des « dispositifs » plutôt qu’à la continuité des parcours…
Surtout les « procédures » estompent la dynamique du projet associatif en tendant à la réduire à une prestation de service « neutre ». L’ASBL revendique son histoire et ses valeurs. Elle mobilise plus de 50 administrateurs et bénévoles, plus de 80 professionnels autour d’un projet régulièrement questionné : priorité aux personnes dans les situations les plus précaires en étant attentifs à l’évolution des besoins, réflexion permanente sur la qualité de l’accompagnement, innovation dans la recherche des solutions.
Le sommaire de ce « Rebonds » en est une bonne illustration : l’ouverture d’un nouvel accueil d’urgence rue de Saint-Brieuc, les travaux qui s’achèvent à Chateaubourg (d’autres commencent rue Chéreau), l’arrivée d’un nouveau responsable du pôle insertion (avec le défi de pérenniser le « Rado » - accueil des personnes les plus éloignées de nos dispositifs), l’engagement d’un bénévole…
La sortie du livre « Vies brisées, espoirs retrouvés » est aussi la rencontre d’un bénévole -Michel Urvoy- avec l’association et ses résidents. Donner la parole aux personnes accueillies, rendre visibles ces invisibles, font partie de nos missions. Comprendre pour éviter de juger est essentiel pour que les actions sociales soient ressenties comme un investissement humain et non une charge toujours trop lourde… C’est la condition pour que les engagements financiers, publics et privés, soient à la hauteur d’un accompagnement adapté à tous ceux qui en ont besoin.
Depuis le 26 décembre 2024, l’association Saint-Benoît Labre a ouvert un Centre d’Hébergement d’Urgence (CHU) rue de Saint-Brieuc à Rennes, destiné aux familles en grande précarité. Le site, mis gracieusement à disposition par le promoteur Giboire et la Région Bretagne, offre 50 places.
Cet immeuble de bureaux a été transformé en lieu de vie : cuisines collectives, sanitaires, chambres, espaces communs. Il propose également des bureaux pour les intervenants professionnels. Le CHU de la rue de Saint Brieuc accueille uniquement des familles avec au moins un enfant mineur, sans condition administrative. « Ici, nous n’hébergeons pas de couple, ni des personnes isolées », précisent Agathe et Samia, travailleuses sociales.
Au-delà de l'hébergement, le CHU propose un accompagnement global : démarches administratives, santé, scolarité, parentalité. De la même façon, l'implication des familles dans l'entretien, l'organisation ou l'aménagement des locaux et de la vie collective est recherché.
Comme le constatent Agathe et Samia, « Les familles veulent s’en sortir, mais le parcours est semé d’embûches : instabilité du séjour, accès limité à l’emploi ou au logement... »
L’objectif est d'orienter ces familles vers des solutions de logements ou d'hébergements plus pérennes. Le CHU Saint-Brieuc s’inscrit ainsi pleinement dans la mission de l’association : soutenir, accompagner, et aider à retrouver une autonomie.
A l'occasion de la parution de son ouvrage « Vies brisées, espoirs retrouvés. Le combat de Benoît Labre contre l'exclusion », le mercredi 2 avril, Michel Urvoy était l'invité de l'Espace Ouest-France.
Dans le prolongement de l'exposition « Je vous écris de Benoît Labre », le livre donne la parole à celles et ceux que l’on entend trop peu. Des témoignages, des parcours marqués par la précarité, le courage, mais aussi l’espoir.
Si chaque histoire est particulière, toutes conduisent à un même constat « Tous les témoignages confirment que l'on ne choisit pas la rue ou l'exil par calcul ou par intérêt. Tous tordent le cou aux contre-vérités que l'on entend sur les motivations des migrants ou des sans-domicile. Tous fournissent des explications qu'il faut entendre au lieu de juger. » constate Michel Urvoy.
Mais avant d'être un travail d'écriture « Vies brisées, espoirs retrouvés » repose sur les relations de confiance instaurées entre « ces accidentés de la vie » et l'auteur : « Ce qui m’a marqué, c’est la confiance. Des personnes m’ont confié des choses très intimes, simplement parce qu’elles avaient besoin d’être entendues. »
Des témoignages intimes, bouleversants, des paroles de résidents mais aussi de salariés, de bénévoles, d'administrateurs, qui sont le reflet des valeurs et combats de l’Association Saint Benoît Labre. Des textes, un livre qui sont source de fierté pour tous ceux qui y ont contribué. « J'ai beaucoup entendu le mot fierté. Fierté des résidents, qui se sentent regardés avec respect ; fierté des salariés et bénévoles de voir leur travail reconnu à l’extérieur. » affirme Michel Urvoy.
Découvrez l’entretien réalisé avec Michel Urvoy :
Quels retours avez-vous reçus depuis la publication du livre ?
J'ai beaucoup entendu le mot "fierté". Fierté des résidents, qui se sentent regardés avec respect ; fierté des salariés et bénévoles de voir leur travail reconnu à l'extérieur, mais aussi au sein de l'association, où l'on est un peu dispersés dans des dispositifs différents et éloignés les uns des autres.
Comment les personnes ayant témoigné dans le livre et l'exposition ont-elles réagi à leur mise en lumière ?
Certains sont allés voir l'expo, discrètement. D'autres réclament le livre. Ce qui montre que ce travail peut contribuer à changer l'image que l'on a de soi.
Pouvez-vous nous raconter un moment ou une rencontre qui vous a particulièrement marqué durant ce projet ?
Non, car toutes ont été très fortes. Y compris les rencontres qui n'ont pas pu déboucher sur une publication. Ce qui m'a frappé, c'est la confiance que toutes et tous m'ont accordée. Au point de me confier, à moi l'inconnu, des choses parfois très, très intimes.
Qu'est-ce que ce livre et cette exposition apportent, selon vous, à la compréhension de la précarité et des réalités vécues par ces personnes ?
Tous les témoignages confirment que l'on ne choisit pas la rue ou l'exil par calcul ou par intérêt. Tous tordent le cou aux contre-vérités que l'on entend sur les motivations des migrants ou des sans-domicile. Tous fournissent des explications – violences familiales, alcool, drogue, répression politique, pauvreté... – qu'il faut entendre au lieu de juger.
On ne peut pas combattre l'exclusion si l'on n'en comprend pas les causes. Et on ne sortira jamais de ce médiocre débat sur la violence et la couleur de peau tant qu'on n'aura pas compris que la délinquance provient d'abord de la misère sociale, et non de l'origine ethnique. Que je sache, on ne voit pas beaucoup d'ingénieurs africains ou indiens devant les tribunaux !
Quelles ont été les plus grandes difficultés rencontrées lors de la collecte des témoignages et de leur mise en forme ?
D'abord, il a fallu beaucoup de temps pour expliquer la démarche, pour réussir à se joindre et mettre chacun en confiance. Ensuite, il a fallu mener les entretiens. Tous n'ont pas abouti, parce que les plaies restent longtemps à vif, parce que se raconter est une épreuve, parce que s'exposer, c'est prendre un risque pour soi et pour les siens. Enfin, il a fallu digérer la charge émotionnelle.
Quelle place a eu l’aspect humain dans ce projet ? Avez-vous noué des liens particuliers avec les personnes impliquées ?
Certains continuent d'échanger. D'envoyer un petit SMS. Ou d'appeler à l'aide. Je pense souvent à eux. Quand on installe ou démonte l'exposition, je suis constamment ému devant leur portrait. Et heureux de voir que beaucoup s'en sortent. Et puis, il y a toutes les relations qui se sont installées avec les personnes qui font vivre Benoît-Labre. Ce ne furent que de belles rencontres.
Comment les bénévoles et salariés de l’association ont-ils vécu cette initiative ?
Ils se sont d'abord un peu demandé ce qu'un journaliste allait produire sur un sujet humainement aussi délicat. Les administrateurs, soucieux de faire connaître l'association, ont beaucoup contribué à instaurer la confiance. Maintenant, c'est à chacun de dire !
« Vies brisées, espoirs retrouvés » de Michel Urvoy, éditions Ouest France disponible dans toute librairie (19,90€)
Exposition « Je vous écris de Benoît Labre », visible jusqu’au 30 mai au Centre Social Carrefour 18 à Rennes - 7 rue d’Espagne, à Rennes, près du métro Henri Fréville, ouvert du lundi au vendredi de 8h45 à 12h15 et de 13h30 à 18h00 (fermé mardi matin).
Le CADA de Châteaubourg s’agrandit pour offrir 50 places et un accueil amélioré. Ce nouveau site regroupera les anciens dispositifs de Châteaubourg, Vitré et Rennes (route de Sainte-Foix), afin de renforcer l’accompagnement et faciliter le travail des équipes. Sa mise en service est prévue au printemps 2025.
« L’idée est de réunir les personnes sur un même site pour un meilleur suivi », explique Matthieu Le Bihan, Responsable du Pôle Accueil des Étrangers. L’aménagement a été conçu pour respecter la diversité des profils (familles, personnes seules), tout en assurant une certaine intimité malgré les chambres partagées.
Le projet suscite aussi des inquiétudes, notamment chez les 19 résidents relogés depuis Rennes. Des réunions d’information ont été organisées pour préparer cette transition et les associer à la réflexion sur l’aménagement. Les moyens de transport en commun, par bus et trains, entre Rennes et Châteaubourg ont été expliqués.
Au-delà du logement, l’accompagnement reste central. « L’enjeu, c’est d’obtenir le droit au séjour », rappelle Matthieu. L’équipe sociale (Pauline, Andréa, Cécile) intervient sur les droits, la santé, la scolarisation ou encore l’apprentissage du français, tandis que Lionel et Vincent assurent la logistique et l’entretien du site.
Ce nouveau CADA s’intègre dans le futur « Village des solidarités », qui réunira diverses structures sociales à Châteaubourg.
« Ce qui m’a amené à travailler dans l’insertion, c’est avant tout une quête de sens et l’envie d’être sur le terrain. »
Peux-tu nous parler de ton parcours avant de rejoindre l’association ?
Je suis juriste de formation, diplômé en droit public international à Rennes. Après cinq années dans l’enseignement et la recherche, un déclic personnel en 2016 – la naissance de ma fille et le contexte migratoire – m’a poussé à changer de voie. J’ai rejoint « France terre d’asile » à Laval comme juriste en droit des étrangers, tout en m’impliquant dans le bénévolat et les questions de violences faites aux femmes migrantes. Cette expérience m’a donné envie de m’engager plus largement dans le secteur social. En 2020, j’ai intégré le SIAO 35 (Service Intégré d'Accueil et d'Orientation) comme responsable de services, puis j’en ai assuré la direction par intérim. En quête d’un lien plus direct avec le terrain, j’ai rejoint Benoît Labre comme responsable du pôle insertion.
Pourquoi avoir choisi de t’investir dans l'action sociale ?
C’est une recherche de cohérence entre mes valeurs et mon engagement professionnel. J’ai toujours été sensible aux questions de solidarité et à l’économie sociale. J’avais besoin de me reconnecter aux réalités humaines et de retrouver du concret dans mon quotidien.
Quelles sont tes missions en tant que responsable du pôle insertion ?
Je coordonne l’ensemble des dispositifs du pôle insertion, en veillant à la qualité de l’accueil et de l’accompagnement des personnes hébergées. J’encadre les équipes, gère les aspects administratifs et budgétaires, et participe activement à la vie de l’association à travers le comité de direction, le conseil d’administration ou différentes commissions. Une partie importante de mon travail consiste aussi à entretenir et développer nos partenariats locaux, car l’insertion est un travail collectif.
Quels dispositifs composent le pôle insertion, et à qui s’adressent-ils ?
Le pôle comprend - un Centre d’Hébergement et de Réinsertion Sociale (CHRS) de 69 places pour hommes seuls, souvent confrontés à des parcours de rupture et nécessitant un accompagnement global ; - une Maison relais de 27 logements pour des hommes et femmes isolés ou en couple, plutôt stabilisées, et un accompagnement axé sur la vie quotidienne et le lien social ; - le Rado accueille jusqu’à 20 personnes très marginalisées, parfois accompagnées d’animaux, avec l’objectif prioritaire de recréer du lien et de susciter une envie de projet. L’accompagnement est assuré par des équipes pluridisciplinaires, avec une grande capacité d’adaptation face à des situations souvent complexes, marquées par des troubles psychiques, des addictions et une précarité grandissante.
Avec qui travaillez-vous au quotidien ?
Nous collaborons avec un large éventail de partenaires : mission locale, bailleurs sociaux, hôpital, structures de santé, SIAO, associations comme Breizh Insertion Sport ou l’Aide Juridique d’Urgence… Ce travail en réseau nous permet d’enrichir nos accompagnements et de répondre au plus près des besoins des personnes.
À 66 ans, Laurent Rault est bénévole à Saint Benoît Labre. Ancien salarié dans l’industrie, une fois à la retraite, il s’est engagé pour participer à l'entretien d'un des Centre d’Accueil pour Demandeurs d’Asile (CADA). Rapidement, il y a trouvé sa place en donnant des cours de français aux personnes migrantes.
« Je n’avais jamais travaillé dans le social, mais j’ai accepté tout de suite. J’étais content de rester actif et d’apprendre dans un univers nouveau. »
Aujourd’hui, il enseigne le français à des demandeurs d’asile et des réfugiés : « Leur niveau est très différent, mais tous ont soif d’apprendre. Ce que je leur transmets, ce n’est pas seulement la langue, c’est aussi un peu de culture française, des repères. »
Touché par les parcours souvent très douloureux de ceux qu’il accompagne, Laurent reste humble : « J’ai eu la chance de naître dans une famille de classe moyenne. Pour moi, c’est une façon de redonner un peu de ce que j’ai reçu. »
Et à ceux qui hésitent à s’engager, il dit simplement : « Venez essayer. On sent tout de suite si c’est fait pour nous. Et parfois, un prof peut vraiment changer une vie. »
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